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LES ROIS EN EXIL

deur des pousses comme de grosses pivoines ; des châles et des blouses pendus aux branches, les femmes en taille, les hommes en bras de chemise ; des lectures, des siestes, de laborieuses coutures accotées à des troncs d’arbres ; des clairières joyeuses où voltigeaient des bouts d’étoffe pas chère, pour une partie de volant, de colin-maillard ou quelque quadrille improvisé au son d’un orchestre invisible arrivant par bouffées. Et des enfants, des quantités d’enfants faisant communiquer les tablées et les jeux, courant ensemble d’une famille à l’autre, avec des bonds, des cris, unissant tout le bois dans un immense gazouillis d’hirondelles, dont leurs allées et venues sans fin avaient aussi la rapidité, le caprice, le noir envolement dans le clair des branches. En contraste au bois de Boulogne soigné, peigné, défendu par ses petites barrières rustiques, ce bois de Vincennes, toutes avenues libres, semblait bien préparé pour les ébats d’un peuple en fête, avec ses gazons verts et foulés, ses arbres ployés et résistants, comme si la nature ici se faisait plus clémente, plus vivace.

Tout à coup, au détour de l’allée, la brusque prise d’air et de lumière du lac écartant le bois tout autour de ses berges gazonnées, arracha à l’enfant royal une exclamation d’enthousiasme. C’était superbe, comme la mer découverte subitement après le dédale en