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raison, et pour quelques heures oubliant au milieu de la clémence universelle la dureté des jours, blottie en un coin de la lourde voiture, son enfant serré contre elle, s’abandonnait dans l’intimité, la sécurité d’une causerie familière avec Élisée Méraut, assis en face d’eux.

— C’est singulier, lui disait-elle, il me semble que nous nous étions vus déjà avant de nous connaître. Votre voix, votre figure, ont éveillé en moi tout de suite l’impression d’un ressouvenir. Où donc avions-nous pu nous rencontrer la première fois ?

Le petit Zara s’en souvenait bien, lui, de cette première fois. C’était au couvent, là-bas, dans cette église sous terre, où M. Élisée lui avait fait si grand’peur. Et dans l’œil timide et doux que l’enfant tournait vers son maître, on sentait bien encore un peu de cette crainte superstitieuse… Mais non ! même avant ce soir de Noël, la reine avait la conviction d’une autre rencontre :

— À moins que ce ne soit dans une vie antérieure, ajouta-t-elle, presque sérieuse.

Élisée se mit à rire :

— En effet, Votre Majesté ne se trompe pas. Elle m’avait vu, non dans une autre vie, mais à Paris, le jour même de son arrivée. J’étais en face de l’hôtel des Pyramides, monté sur le soubassement de la grille des Tuileries…

— Et vous avez crié : Vive le roi !… Mainte-