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librement, gardés à vue par l’étiquette et les règlements de vie installés dans la maison, le service de la dame d’honneur, la jalouse surveillance de madame de Silvis. Enfin la leçon arriva. Pendant que le petit prince installait, préparait ses livres :

— Qu’avez-vous ?… demanda-t-elle… Que m’arrive-t-il encore ?…

— Ah ! madame… toutes les pierres sont fausses…

— Fausses !…

— Et très soigneusement imitées en clinquant… Comment cela s’est-il fait ?… quand ? par qui ?… Il y a donc un malfaiteur dans la maison !

Elle avait pâli atrocement à ce mot de malfaiteur. Soudain, les dents serrées, avec un coup de colère et de désespoir dans les yeux :

— C’est vrai. Il y a un malfaiteur ici… Et vous et moi nous le connaissons bien…

Puis, d’un geste de fièvre, prenant violemment le poignet d’Élisée comme pour un pacte connu d’eux seuls :

— Mais nous ne le dénoncerons jamais, n’est-ce pas ?

— Jamais…, dit-il en détournant les yeux ; car, d’un mot, ils s’étaient compris.