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mais il ne savait rien de plus, ne se serait jamais permis de rien demander.

— Eh bien ! monsieur le conseiller, dit Élisée gravement, je vous préviens, moi, que Sa Majesté fait commerce de ses croix avec l’agence Lévis.

Là-dessus il lui conta l’histoire du barbier gascon dont s’amusait tout Paris. Boscovich poussa un de ses petits cris de femme. Au fond. très peu scandalisé ; tout ce qui n’était pas sa manie ne l’intéressait guère. Son herbier laissé à Leybach représentait pour lui la patrie ; celui qu’il préparait, l’exil en France.

— Voyons, mais c’est indigne… un homme comme vous… prêter la main à d’aussi hideux tripotages !

Et l’autre, désespéré qu’on lui ouvrît les yeux de force sur ce qu’il n’avait pas voulu voir :

Ma che…, ma che…, qu’est-ce que j’y peux faire, mon bon monsieur Méraut ?… Le roi, c’est le roi… Quand il dit : Boscovich, écris ça… ma main obéit sans penser… surtout que Sa Majesté est si bonne pour moi, si généreuse. C’est elle qui, me voyant désespéré de la perte de mon herbier, m’a fait cadeau de celui-ci… Quinze cents francs, une occasion magnifique… Et j’ai eu par-dessus le marché l’Hortus Cliffortianus de Linné, édition princeps.

Naïvement, cyniquement, le pauvre diable