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llants au bord rosé de l’oreille empêchaient seuls de prendre pour la plus modeste des employées, venait de lui apparaître dans sa captivité de bureau et de travail comme une carmélite derrière un grillage de cloître ou quelque esclave d’Orient implorant au dehors par le treillis doré de sa terrasse. Et de l’esclave elle avait bien l’effarement soumis, le profil penché, de même que les tons ambrés où commençait sa chevelure, la ligne trop droite des sourcils, la bouche au souffle entr’ouvert, donnaient une origine asiatique à cette Parisienne. Christian en face d’elle se représentait le front dénudé, la tournure simiesque du mari. Comment se trouvait-elle au pouvoir d’un fantoche pareil ? N’était-ce pas un vol, une injustice flagrante ?

Mais la voix douce continuait lentement, en excuses : « C’est désolant… Tom n’arrive pas… Si Votre Majesté voulait me dire ce qui l’amène… je pourrais peut-être… »

Il rougit, un peu gêné. Jamais il n’eût osé confier à cette candide complaisance l’installation assez louche qu’il méditait. Elle alors insista, coulant un sourire : « Oh ! Votre Majesté peut être tranquille… C’est moi qui tiens les livres de l’agence. »

Et l’on voyait bien son autorité dans la maison, car à tout instant, au petit œil-de-bœuf faisant communiquer le réduit de la caissière