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dessus les bruits de la foule, c’est tout ce qu’elle avait pu voir de cet ami inconnu qui osait en plein Paris républicain, devant les Tuileries écroulées, souhaiter la bienvenue à des souverains sans couronne. Ce salut sympathique dont elle était privée depuis si longtemps fit sur la reine l’impression d’un feu flambant clair après une marche au grand froid. Elle en fut réchauffée du cœur à l’épiderme, et la vue du vieux Rosen compléta cette vive et bienfaisante réaction.

Le général duc de Rosen, l’ancien chef de la maison militaire, avait quitté l’Illyrie depuis trois ans, depuis que le roi lui avait retiré son poste de confiance pour le donner à un libéral, favorisant ainsi les idées nouvelles au détriment de ce qu’on appelait alors à Leybach le parti de la reine. Certes, il pouvait en vouloir à Christian qui l’avait sacrifié froidement, laissé partir sans un regret, sans un adieu, lui le vainqueur de Mostar, de Livno, le héros des grandes guerres monténégrines. Après avoir vendu châteaux, terres et biens, caractérisé son départ de tout l’éclat d’une protestation, le vieux général s’était fixé à Paris, y mariait son fils, et pendant trois longues années d’attente vaine sentait sa colère contre l’ingratitude royale s’accroître des tristesses de l’émigration, des mélancolies d’une vie inoccupée. Et pourtant à la première nouvelle de