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LES ROIS EN EXIL

la foule cosmopolite qui se trouvait là un mouvement de curiosité vers le héros de Raguse. De tous les box ouverts sortit un essaim d’employés se précipitant pour faire escorte à Sa Majesté, l’introduire chez Tom Lévis, qui n’était pas encore arrivé, mais ne pouvait manquer de rentrer d’un moment à l’autre. C’était la première fois que Christian se montrait à l’agence, le vieux duc de Rosen ayant jusqu’ici réglé tous les mémoires de la petite cour. Mais il s’agissait aujourd’hui d’une affaire tellement intime, tellement délicate, que le roi n’eût pas même osé la confier à la lourde mâchoire de son aide de camp… Une petite maison à louer pour une écuyère qui venait de remplacer Amy Férat, pavillon tout meublé, livrable en vingt-quatre heures, avec service, écurie, et certaines facilités d’accès. Un de ces tours de force comme l’agence Lévis seule savait en faire.

Le salon, où il attendait, contenait tout juste deux larges fauteuils en moleskine, une de ces cheminées à gaz étroites et silencieuses dont le réflecteur semble vous renvoyer le feu d’une pièce à côté, un petit guéridon garanti d’un tapis bleu avec l’almanach Bottin posé dessus. La moitié de la pièce était prise par le haut grillage — drapé de rideaux bleus aussi — d’un bureau soigneusement installé et montrant au-dessus du grand livre à coins d’acier tout