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teaux, les vallons, les ruines, il a la passion du moyen âge, — aussitôt J. Tom Lévis fait bâtir une véranda. Quand Tom abat une muraille, Spricht jette toutes ses haies par terre. Il y a l’histoire d’un pavillon bâti par Tom et qui gênait la vue de Spricht vers Saint-Cloud. Le couturier éleva alors la galerie de son pigeonnier. L’autre riposta par un nouvel étage. Spricht ne se tint. pas pour battu, et les deux édifices, à grand renfort de pierres et d’ouvriers, continuèrent leur ascension jusqu’à une belle nuit où le vent les renversa tous deux sans peine, vu la fragilité de leur construction. Spricht, au retour d’un voyage d’Italie, ramène de Venise une gondole, une vraie gondole, installée dans le petit port au bas de sa propriété ; huit jours après, pft ! pft ! un joli yacht à vapeur et à voiles vient se ranger au quai de Tom Lévis, remuant dans l’eau les tourelles, les toits, les créneaux reflétés de sa villa.

Pour soutenir un train semblable, il eût fallu que l’empire durât toujours, et sa dernière heure était venue. La guerre, le siège, le départ des étrangers, furent pour les deux industriels un véritable désastre, surtout pour Tom Lévis, dont la propriété se trouva dévastée par l’invasion, tandis que celle de Spricht était épargnée. Mais la paix conquise, la lutte recommença de plus belle entre les deux rivaux, cette fois avec des inégalités de fortune,