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LES ROIS EN EXIL

parable à la Folie de Tom Lévis, si ce n’est la villa de son voisin Spricht, le grand Spricht, l’illustre couturier pour dames. Ce fastueux personnage ne reste à Paris, lui aussi, que le temps de ses affaires, les trois heures d’après-midi où il donne ses consultations de coquetterie dans sa grande officine des boulevards, puis tout de suite il revient à sa maison de Courbevoie. Le secret de cette retraite forcée, c’est que le cher Spricht, le « dear » de toutes ces dames, s’il possède dans ses tiroirs, parmi les merveilleux échantillons de ses fabriques lyonnaises, des spécimens d’écriture liée, des pattes de mouches de toutes les mains les mieux gantées de Paris, a dû s’en tenir toujours à cette intimité de correspondance, qu’il n’est reçu dans aucune des maisons qu’il habille, et que ses belles relations lui ont gâté tout rapport avec le monde commerçant dont il fait partie. Aussi vit-il très retiré, envahi comme tous les parvenus par la bande des parents pauvres, et mettant son luxe à les faire royalement servir. Sa seule distraction, le montant nécessaire à cette vie de bourreau retraité, c’est le voisinage, la rivalité de Tom Lévis, la haine et le mépris qu’ils se sont réciproquement voués, sans savoir pourquoi du reste, ce qui rend tout raccommodement impossible.

Quand Spricht dresse une tourelle, — Spricht est Allemand, il aime le romanesque, les châ-