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bâtisse, d’acquisition en acquisition, il était arrivé à posséder un parc fait d’annexes, de terrains de culture joints à des bouts de taillis, une étrange propriété où se révélaient ses goûts, ses ambitions, son excentricité anglaise, déformée, rapetissée encore par des idées bourgeoises et des tentatives d’art manquées. Sur la maison tout ordinaire, aux étages supérieurs visiblement ajoutés, s’étendait une terrasse italienne à balustres de marbre, flanquée de deux tours gothiques et communiquant par un pont couvert avec un autre corps de logis jouant le chalet, aux balcons découpés, au tapis montant de lierre. Tout cela peint en stuc, en briques, en joujou de la Forêt-Noire, avec un luxe de tourillons, de créneaux, de girouettes ; de moucharabies ; puis, dans le parc, des hérissements de kiosques, de belvédères, des miroitements de serres, de bassins, le bastion tout noir d’un immense réservoir à monter l’eau dominé par un vrai moulin dont les toiles, sensibles au moindre vent, claquaient, tournaient avec le grincement perpétuel de leur axe.

Certes, sur l’étroit espace que traversent les trains de la banlieue parisienne, bien des villas burlesques défilent dans le cadre d’une glace de wagon, comme des visions, des cauchemars fantastiques, l’effort d’un cerveau boutiquier échappé et caracolant. Mais aucune n’est com-