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LES ROIS EN EXIL

rassemblement se formait en face de l’hôtel, et tous ces regards tendus attiraient d’autres regards vers ce jeune couple en costume de voyage, que l’enfant dominait de sa tête blonde, comme soulevé par l’espérance des vaincus et la joie qu’ils sentaient de le tenir encore vivant après une si effroyable tempête.

— Venez-vous, Frédérique ? demanda le roi, gêné par l’attention de tout ce monde.

Mais elle, la tête haute, en reine habituée à braver l’antipathie des foules :

— Pourquoi ? l’on est très bien sur ce balcon.

— C’est que… j’avais oublié… Rosen est là avec son fils et sa bru… Il demande à vous voir.

À ce nom de Rosen qui lui rappelait tant de bons, de loyaux services, les yeux de la reine s’allumèrent :

— Mon brave duc ! Je l’attendais… dit-elle, et comme avant de rentrer elle jetait un regard hautain dans la rue, un homme, en face d’elle, s’élança sur le soubassement de la grille des Tuileries, dominant pendant une minute l’attroupement de toute sa hauteur. C’était comme à Leybach quand on avait tiré sur leur fenêtre. Frédérique eut vaguement l’idée d’un attentat de ce genre et se rejeta en arrière. Un grand front, un chapeau levé, des cheveux au vent s’éparpillant dans le soleil, tandis qu’une voix calme et forte criait : « Vive le roi ! » par--