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LES ROIS EN EXIL

sur huit marches, avec ses hautes fenêtres d’une seule vitre, portant chacune les armes vermillonnées, azurées et dorées des principales puissances d’Europe, aigles, licornes, léopards, toute la ménagerie héraldique. À trente mètres, dans la largeur entière de cette rue qui vaut un boulevard, l’agence Lévis attire les regards les moins curieux. Chacun se demande : « Qu’est-ce qu’on vend là ? » « Que n’y vend-on pas ? » serait-il mieux de dire. Sur chaque vitrine on lit en effet en belles lettres d’or, ici : « vins, liqueurs, comestibles, pale-ale, kümmel, raki, caviar, brandade de morue », ou bien : « meubles anciens et modernes, tapisseries, verdures, tapis de Smyrne et d’Ispahan » ; plus loin : « tableaux de maîtres, marbres et terres cuites, armes de luxe, médailles, panoplies » ; ailleurs : « change, escompte, monnaies étrangères » ; ou encore : « librairie universelle, journaux de tous pays, de toutes langues » ; à côté de : « ventes et locations, chasses, plages, villégiature », ou de : « renseignements, discrétion, célérité ».

Ce fourmillement d’inscriptions et d’armoiries brillantes brouille singulièrement la devanture et ne permet pas de bien voir les objets qui s’y étalent. Vaguement on distingue des bouteilles de forme et de couleur étranges, des chaises en bois sculpté, des tableaux, des fourrures, puis dans des sébiles quelques rou-