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mêler les tons rouges et fauves du henné. Christian, vis-à-vis d’elle, avait l’attitude contrainte, un peu gênée, d’un mari qui a accepté trop de dévouements, de sacrifices. Il s’informait doucement de sa santé, si elle avait dormi, comment elle se trouvait du voyage. Elle répondait avec une douceur voulue, pleine de condescendance, mais en réalité ne s’occupait que de son fils, dont elle tâtait le nez, les joues, dont elle épiait tous les mouvements avec une anxiété de couveuse.

— Il va déjà mieux que là-bas, disait Christian à demi-voix.

— Oui, les couleurs lui reviennent, répondait-elle sur le même ton intime qu’ils ne prenaient que pour parler de l’enfant.

Lui riait à l’un et à l’autre, rapprochait leurs fronts dans sa jolie caresse, comme s’il eût compris que ses deux petits bras formaient le seul vrai lien entre ces deux êtres dissemblables. En bas, sur le trottoir, quelques curieux, avertis de l’arrivée des princes, s’étaient arrêtés depuis un moment, les yeux levés vers ce roi et cette reine d’Illyrie que leur héroïque défense dans Raguse avait rendus célèbres et dont les portraits figuraient à la première page des journaux illustrés. Peu à peu, comme on regarde un pigeon au bord d’un toit ou une perruche évadée, les badauds s’amassaient, le nez en l’air, sans savoir de quoi il s’agissait. Un