Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LES ROIS EN EXIL

un trône, éveillant dans l’ombre en étincelles jaillissantes les rubis, les saphirs, les topazes de la couronne.

Pendant que la maison s’agitait d’un va-et-vient continuel, du frou-frou traînant des robes de soie par les étages ; tandis que le petit prince, tout en se laissant mettre ses longs bas rouges, son costume de velours, son col en guipure de Venise, répétait le speech qu’on lui faisait apprendre depuis huit jours ; que Rosen en grande tenue, chamarré de plaques, se redressait plus droit que jamais pour introduire les députés, Élisée, volontairement à l’abri de tout ce train, seul dans la galerie d’étude, songeait aux conséquences de l’entrevue prochaine, et, dans un mirage fréquent à son cerveau méridional, préparait déjà la triomphante rentrée de ses princes à Leybach, parmi les salves, les carillons, les rues en joie jonchées de fleurs, le roi et la reine tenant devant eux comme une promesse au peuple, un avenir qui les anoblissait encore, les mettait au rang d’ancêtres jeunes, son élève bien-aimé le petit Zara, intelligent et grave, de cette gravité des enfants qui traversent une émotion trop grande pour eux. Et l’éclat de ce beau dimanche, la gaieté des cloches vibrant à cette heure dans le plein soleil de midi, se doublaient pour lui de l’espoir d’une fête où l’orgueil maternel de Frédérique égarerait peut-être jus-