Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
LES ROIS EN EXIL

Où en sommes-nous ?… Pouvons-nous durer encore ?

Le chef de la maison eut un geste hautain :

— Certes !

— Combien de temps ?… Sais-tu ?… à peu près…

— Cinq ans ; j’ai fait le compte.

— Sans privations pour personne ?… sans qu’aucun de ceux que nous aimons pâtisse ou soit lésé ?…

— Justement comme cela, sire.

— Tu en es sûr ?

— Sûr, affirma le vieux, en redressant sa taille immense.

— Alors, c’est bien… Méraut, donnez-moi votre lettre… que je la signe avant de sortir.

Puis à demi-voix, en lui prenant la plume des mains :

— Regardez donc Mme  de Silvis… si l’on ne dirait pas qu’elle va chanter Sombre forét ! La marquise en effet rentrant du jardin avec le petit prince respirait au salon une atmosphère de drame, et parée de sa toque à plume verte, d’un spencer de velours, la main sur le cœur, avait bien la pose en arrêt, saisie et romantique, d’une cavatine d’opéra.

Lue en plein Parlement, publiée par tous les journaux, la protestation fut encore, sur le conseil d’Élisée, autographiée et envoyée