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LES ROIS EN EXIL

Alphée étaient d'une blancheur de linge qui rendait sa barbe et ses yeux plus noirs.

— Il faut répondre… ne pas rester sous ce coup, dit la reine, et son indignation cherchait Méraut qui depuis un moment prenait des notes d’un crayon fiévreux sur un coin de table.

— Voici ce que j’écrirais… dit-il en s’avançant, et il lut, sous forme de lettre à un député royaliste, une fière proclamation au peuple illyrien, dans laquelle, après avoir repoussé l’outrageante proposition qui lui était faite, le roi rassurait, encourageait ses amis avec l’accent ému d’un chef de famille éloigné de ses enfants.

La reine enthousiasmée battit des mains, saisit le papier, le tendit à Boscovich :

— Vite, vite, traduire et faire partir… N’est-ce pas votre avis ? ajouta-t-elle en se souvenant que Christian était là et qu’on les regardait.

— Sans doute… sans doute… dit le roi très perplexe, mangeant ses ongles avec fureur… Tout cela est fort beau… seulement voilà… savoir si nous pourrons tenir.

Elle se retourna, brusque et très pâle, comme frappée d’un grand coup entre les deux épaules.

— Tenir !… Si nous pourrons tenir !… Est-ce le roi qui parle ?

Lui, très calme :

— Quand Raguse a manqué de pain, avec