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héros de Raguse, le roi d’énergique volonté et de bravoure que racontait le Mémorial. Pourtant, malgré l’adresse de Fédérique à masquer le vide de ce front couronné, et quoiqu’elle se dérobât derrière lui continuellement, quelque circonstance imprévue se présentait toujours où leurs vraies natures apparaissaient.

Un matin après déjeuner, comme on venait de passer au salon, Frédérique ouvrant les journaux, le courrier d’Illyrie qu’elle était toujours la première à lire, eut une exclamation si forte et si douloureuse que le roi près de sortir s’arrêta, tout le monde groupé en une minute autour de la reine. Celle-ci passa le journal à Boscovich :

— Lisez.

C’était le compte rendu d’une séance de la Diète de Leybach et la résolution qui venait d’y être prise de rendre aux souverains exilés tous les biens de la couronne, plus de deux cents millions, à la condition expresse…

— Bravo !… fit la voix nasillarde de Christian… Mais ça me va, moi, ça.

— Continuez, dit la reine sévèrement.

— … À la condition expresse que Christian II renoncerait pour lui et ses descendants à tous ses droits au trône d’Illyrie.

Ce fut dans le salon une explosion indignée. Le vieux Rosen suffoquait, les joues du Père