Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des oubliettes, les délivraient des persécutions et des pièges d’un coup de leur baguette dorée, écartant les murs de glace, les remparts d’épines, les dragons qui jettent du feu et les vieilles qui vous changent en bêtes. À la leçon, au milieu d’une explication difficile qu’on lui donnait : « C’est comme dans l’histoire du petit tailleur », disait-il ; ou s’il lisait le récit d’une grande bataille : « Le géant Robistor en a bien plus tué. » C’est ce sentiment du surnaturel, si fort développé chez lui, qui lui donnait son expression distraite, l’aurait fait rester des heures entières immobile dans les coussins d’un canapé, gardant au fond de ses yeux la fantasmagorie changeante et flottante, l’éblouissement de fausse lumière d’un enfant qui sort de Rothomago avec la fable de la pièce déroulée dans son souvenir en merveilleux tableaux primastiques. Et cela rendait difficiles le raisonnement, l’étude sérieuse qu’on voulait de lui.

La reine assistait à toutes les leçons, toujours aux doigts cette broderie qui n’avançait pas, et dans son beau regard cette attention si précieuse au maître, qui la sentait vibrante à toutes ses idées, même à celles qu’il n’exprimait pas. C’est par là surtout qu’ils se tenaient, par les rêves, les chimères, ce qui flotte au-dessus des convictions et les répand. Elle l’avait pris pour conseil, pour confident, affectant de ne lui parler qu’au nom du roi :