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vice, si facile à exercer contre les dépendants et les distraits… Il retrouvait les persécutions, les petitesses, les jalousies du palais de X… le même grouillement d’âmes rampantes autour des trônes, et dont l’exil, la déchéance, ne les débarrassent pas, paraît-il. Sa nature trop généreuse, trop affectueuse pour ne pas souffrir de ces antipathies résistantes, en éprouvait une gêne comme ses façons simples et familières, ses habitudes d’artiste bohème, se resserraient, à l’étroit dans le cérémonial forcé de la maison, dans ces repas éclairés de hauts candélabres, où les hommes toujours en habit, les femmes décolletées autour de la table agrandie par l’écartement des convives, ne parlaient, ne mangeaient qu’après que le roi et la reine avaient mangé et parlé, dominés eux-mêmes par l’étiquette implacable dont le chef de la maison civile et militaire surveillait l’observance avec d’autant plus de rigueur que l’exil durait plus longtemps. Il arrivait pourtant que le vieil étudiant de la rue Monsieur-le-Prince s’asseyait à table en cravate de couleur, parlait sans permission, se lançait à franc étrier dans une de ces improvisations éloquentes dont les murs du café Voltaire sonnaient encore. Alors les regards foudroyants qu’il s’attirait, l’importance que prenait la moindre infraction aux règlements de la petite cour, lui causaient une envie grande de tout laisser et de rentrer