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LES ROIS EN EXIL

c’était autour du nouveau maître une véritable coalition, Cela se traduisait moins par des actes que par des mots, des regards, des attitudes, dans ces petites escarmouches nerveuses qu’amène la vie commune entre gens qui se détestent. Oh ! les attitudes, la spécialité de madame de Silvis. Dédaigneuse, hautaine, ironique, amère, elle jouait les têtes d’expression en face d’Élisée, s’entendant bien surtout à mimer une sorte de pitié respectueuse, soupirs étouffés, regards blancs jetés au plafond, chaque fois qu’elle se trouvait avec le petit prince : « Vous ne souffrez pas, Monseigneur ? » Elle le palpait de ses longs doigts maigres, l’alanguissait de caresses tremblotantes. Alors la reine d’une voix joyeuse :

— Allons donc, marquise, vous feriez croire à Zara qu’il est malade.

— Je lui trouve les mains, le front, un peu chauds.

— Il vient du dehors… C’est l’air vif…

Et elle emmenait l’enfant, un peu troublée par les observations répétées auprès d’elle, la légende de la maison que l’on faisait trop travailler monseigneur, légende que la domesticité parisienne répétait sans y croire, mais prise au sérieux par les serviteurs ramenés d’Illyrie, la grande Petscha, le vieux Greb, qui lançaient à Méraut des regards d’un mauvais noir, le harcelaient de cette antipathie taquine du ser-