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motivées en apparence, laissaient la reine parfaitement calme, mais jetaient la princesse dans un noir chagrin. Sans doute il restait à son orgueil froissé l’espoir de ressaisir ce cœur mobile. Elle y employait mille coquettes inventions, parures et coiffures nouvelles, combinaisons de coupe et de nuances s’accordant avec les chatoiements de sa beauté. Et quel désappointement, quand le soir venu, sept heures sonnées, le roi ne paraissait pas et que Frédérique, imperturbablement sereine, après avoir dit : « Sa Majesté ne dîne pas », faisait mettre à la place d’honneur la chaise haute du petit Zara ! La nerveuse Colette obligée de se taire, de renfoncer son dépit, aurait désiré un éclat de la reine qui les eût toutes deux vengées ; mais Frédérique, à peine plus pâle, gardait son calme souverain, même quand la princesse, avec une cruelle adresse féminine, des insinuations glissées entre cuir et chair, essayait de lui faire quelques révélations sur les clubs de Paris, la grossièreté des conversations entre hommes, les amusements encore plus grossiers où ce désheurement, cette déshabitude du foyer, entretenaient ces messieurs, et les parties folles, les fortunes croulant en châteaux de cartes sur les tables de jeu, les paris excentriques consignés dans un livre spécial, curieux à feuilleter, le livre d’or de l’aberration humaine. Mais elle avait beau faire, la reine n’était pas