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LES ROIS EN EXIL

lette. Elle écrivit, il ne répondit pas, ne voulut comprendre ni ses soupirs ni ses attitudes dolentes, continua de lui parler avec la politesse légère que les femmes aimaient en lui, et délesté de ce remords qu’il sentait plus lourd à mesure que sa fantaisie diminuait, n’ayant plus à ses trousses cette affection autrement tyrannique que celle de sa femme, il se lança à bride abattue dans le plaisir, ne songeant plus, pour parler l’affreux langage flottant et flasque des gandins, ne songeant plus qu’à « faire la fête ». C’était le mot à la mode cette année-là dans les clubs. Il y en a sans doute un autre maintenant. Les mots changent ; mais ce qui reste immuable et monotone, ce sont les restaurants fameux où la chose se passe, les salons d’or et de fleurs où les filles haut cotées s’invitent et se reçoivent, c’est l’énervante banalité du plaisir se dégradant jusqu’à l’orgie sans pouvoir se renouveler ; ce qui ne change pas, c’est la classique bêtise de cet amas de gandins et de catins, le cliché de leur argot et de leur rire, sans qu’une fantaisie se glisse dans ce monde aussi bourgeois, aussi convenu que l’autre, sous ses apparences de folie ; c’est le désordre réglé, la fantaisie en programme sur l’ennui bâillant et courbaturé.

Le roi, lui, du moins, faisait la fête avec la fougue d’un gamin de vingt ans. Il y portait cette fringale d’escampette qui l’avait entraîné