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bru n’eût quelque intrigue à éperons et à sabretache.

L’anxiété de Colette et du roi fut grande et rappelait l’embarras du savant perché sur ce palmier au pied duquel bâillait un crocodile. Sûrs de la discrétion, de l’incorruptibilité du personnel, eux du moins savaient que le crocodile ne monterait pas. Mais comment sortir de là ? Le roi, passe encore. Il avait le temps de lasser la patience de l’animal. Mais Colette ! La reine allait l’attendre, joindre peut-être ses soupçons à ceux du vieux Rosen. Le maître de l’établissement, que Christian fit monter et mit au fait de la situation, chercha beaucoup, ne trouva rien que de percer le mur de la maison voisine comme en temps de révolution, puis eut l’idée d’un expédient bien plus simple. La princesse prendrait les vêtements d’un mitron, sa robe, ses jupons pliés dans la manne qu’elle emporterait sur sa tête, et se rhabillerait chez la dame de comptoir qui habitait une rue voisine. Colette se récria bien d’abord : en gâte-sauce devant le roi ! Il le fallait pourtant, sous peine des plus grandes catastrophes ; et l’habillement frais repassé d’un gamin de quatorze ans fit de la princesse de Rosen née Sauvadon, le plus joli, le plus coquet des mitronnets qui courent Paris aux heures gourmandes. Mais comme il y avait loin de cette barrette de toile blanche, de ces escarpins d’en-