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elle voyait — comme une auréole — au-dessus du type égoïste et passionné de son amant. Elle lui plut, tant qu’il ne vit en elle qu’un joujou tout neuf et finement colorié, un joujou parisien qui devait l’initier à des amusements plus vifs. Mais elle eut le mauvais goût de prendre au sérieux sa situation de « maîtresse du roi ». Toutes ces figures de femmes, à demi historiques, tout ce strass de la couronne plus brillant que les joyaux vrais, scintillaient dans ses rêves ambitieux. Elle ne consentait pas à être la Dubarry, mais la Châteauroux de ce Louis XV à la côte. Et l’Illyrie à reconquérir, les conspirations qu’elle eût menées du bout de son éventail, les coups de main, les débarquements héroïques, devinrent le sujet de toutes ses conversations avec le roi. Elle se voyait soulevant le pays, se cachant dans les moissons et les fermes comme une de ces fameuses brigandes de Vendée dont on leur faisait lire les aventures au couvent du Sacré- Cœur. Même elle avait déjà imaginé un costume de page — car le costume jouait toujours le premier rôle dans ses inventions — un joli petit page renaissance qui lui faciliterait les entrevues à toute heure, le perpétuel accompagnement du roi. Christian n’aimait pas beaucoup ces rêveries exaltées ; son esprit lui en montrait vite le côté faux et niais. Puis il ne prenait pas une maîtresse pour causer politique, et quand il