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LES ROIS EN EXIL

gne la bestiole, ce paquet de soie vivante et griffante où brillent, réveillés en sursaut, deux yeux humains, ouvre la fenêtre sur le quai, et d’un geste féroce :

— Tiens… sale bête !

Le petit singe va rouler sur le bas-port ; et ce n’est pas lui seul qui disparaît et meurt dans la nuit, mais encore le rêve, fragile et capricieux comme lui, de la pauvre petite créature qui se jette sur son lit, cache sa tête dans l’oreiller et sanglote.

Leurs amours avaient duré près d’un an, l’éternité pour cet enfant atteint de la papillonne. Il n’avait eu qu’un signe à faire. Eblouie, fascinée, Colette de Rosen était tombée dans ses bras, elle qui jusqu’alors s’était gardée honnête femme non pour l’amour de son mari ou de la vertu, mais parce qu’il y avait dans ce cervelet d’oiseau un souci de la netteté du plumage qui l’avait préservée des chutes salissantes, et puis parce qu’elle était vraiment Française, de cette race de femmes que Molière, bien avant les physiologistes modernes, a déclarées sans tempérament, seulement imaginatives et vaniteuses.

Ce ne fut pas à Christian, mais au roi d’Illyrie, que se donna la petite Sauvadon. Elle se sacrifia à ce diadème idéal qu’à travers des légendes, des lectures banales et romanesques,