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LES ROIS EN EXIL

qu’il sait, de trahir le secret professionnel. Pourtant cette petite main est si câline, si pressante et si curieuse, que l’aide de camp de Christian II ne résiste plus :

— Eh bien ! oui, le roi a une maîtresse en ce moment.

Dans sa main, la petite main de Colette devient moite et froide.

— Et quelle est cette maîtresse ? demande la jeune femme, la voix brève, haletante.

— Une actrice des Bouffes… Amy Férat.

Colette connaît bien cette Amy Férat ; elle la trouve même atrocement laide.

— Oh ! dit Herbert en manière d’excuse, Sa Majesté n’en a plus pour longtemps.

Et Colette, avec une satisfaction évidente :

— Vraiment ?

Là-dessus Herbert, enchanté de son succès, se hasarde jusqu’à froisser un nœud de satin voltigeant à l’échancrure du peignoir et continue d’un petit ton léger :

— Oui, je crains bien qu’un jour ou l’autre, la pauvre Amy Férat ne reçoive son ouistiti.

— Un ouistiti ?… Comment cela ?…

— Mais oui, j’ai remarqué, tous ceux qui voient le roi de près savent comme moi que lorsqu’une liaison commence à le fatiguer, il envoie un de ses ouistitis P. P. C… Une façon à lui de faire la grimace à ce qu’il n’aime plus…