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LES ROIS EN EXIL

— Colette…

— Oui, oui, je sais… vous êtes comme votre père… Tout ce que fait la reine !… Eh bien ! pour moi, elle est aussi coupable que lui… C’est elle qui l’a amené là par sa froideur, son indifférence…

— La reine n’est pas froide. Elle est fière.

— Allons donc ! est-ce qu’on est fière quand on aime ?… Si elle l’aimait, la première nuit qu’il a passée dehors eût été la dernière. On parle, on menace, on se montre. On n’a pas cette lâcheté du silence devant des fautes qui vous tuent… Aussi maintenant le roi fait toutes ses nuits au boulevard, au cercle, chez le prince d’Axel, Dieu sait en quelle compagnie !

— Colette… Colette…

Mais arrêtez donc Colette quand elle est partie, la parole facile comme toute bourgeoise élevée dans ce Paris excitant, où les poupées elles-mêmes parlent.

— Cette femme n’aime rien, je vous dis, pas même son fils… Sans cela, est-ce qu’elle l’aurait confié à ce sauvage ?… Ils l’exténuent de travail, le pauvre petit !… Il paraît que la nuit, en dormant, il récite du latin, un tas de choses… c’est la marquise qui me l’a dit… La reine ne manque pas une leçon… Ils sont à deux sur cet enfant… Pour qu’il règne !… mais ils l’auront tué auparavant… Oh ! tenez, votre Méraut, je le déteste !…