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core le mieux dans tout l’hôtel, c’est le prince Herbert, rentré du cercle depuis à peine un quart d’heure, exténué, rompu, maudissant son existence harassante de viveur malgré lui, qui le prive de ce qu’il aime le plus au monde, les chevaux et sa femme : les chevaux, parce que le roi ne prend aucun plaisir à la vie active, en plein air, du sportsman ; sa femme, parce que le roi et la reine vivant très loin l’un de l’autre, ne se voyant qu’aux heures des repas, l’aide de camp et la dame d’honneur les suivent chacun dans cet écart du ménage, séparés comme deux confidents de tragédie. La princesse part à Saint-Mandé, bien avant le réveil de son mari ; la nuit, quand il rentre, elle dort déjà, sa porte fermée à double tour. Et s’il se plaint, Colette lui répond majestueusement, avec un petit sourire au coin de toutes ses fossettes : « Nous devons bien ce sacrifice à nos princes. » Une belle défaite pour l’amoureux Herbert tout seul dans sa grande chambre du premier, quatre mètres de hauteur de plafond sur la tête, des dessus de porte peints par Boucher, de hautes glaces encastrées dans le mur et qui lui renvoient son image en d’interminables perspectives.

Parfois, pourtant, quand il est éreinté comme ce soir, le mari de Colette éprouve un certain bien-être égoïste à s’étendre dans son lit sans explications conjugales, à reprendre ses habi-