Page:Daudelin - Vingt ans de cinéma au Canada français, 1967.pdf/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un humour assez féroce dont Hébert ne se départira pas totalement malgré la forme abstraite de ses films suivants. Opus I est un poème plastique qui utilise le phénomène de la persistance rétinienne pour créer devant le spectateur une sorte de peinture en mouvement qui s’apparente aux recherches des peintres Op ; Opus I est une œuvre rigoureuse qui respire d’un véritable souffle humain et dont la puissance de fascination témoigne bien du degré de maturité que Pierre Hébert a déjà atteint. Ces qualités s’accomplissent avec une perfection nouvelle dans Hop Op (réalisé à l’O. N. F. — les films précédents ayant été réalisés en 16mm et avec des moyens de fortune), expérience plastique qui réaffirme le talent de l’animateur. Hébert a également réalisé à l’O. N. F., pour le compte du ministère des Postes, une bande publicitaire de 20 secondes conseillant de poster tôt pour Noël ; ceux qui, l’automne dernier, ont pu la voir sur leur écran de télévision se souviennent sûrement de cette horloge obsédante qui sonnait l’heure de la poste. Pierre Hébert a enfin collaboré au Révolutionnaire de Jean-Pierre Lefebvre ; la séquence historique qu’il y a réalisée en combinant gravure sur pellicule et prises de vues réelles et l’un des meilleurs moments du film.

En dehors de l’Office national du film les expériences en animation ont été assez rares. Il faut citer pour référence le long métrage des frères Réal et Marcel Racicot Le Village enchante (1955). Fruit de dix années de travail, cette expérience unique dans le cinéma canadien ne semble pourtant pas avoir été concluante, du moins si l’on en croit le critique Jacques Lamoureux qui écrivait à l’époque : «… il n’y a pas de scénario… ; il n’y a pas de ligne dramatique définie… ; … c’est un sous-produit de Disney… »[1]

Plus tard le cinéaste Jean Letarte prendra la relève avec quelques essais, mais abandonnera bientôt la partie pour se consacrer à la télévision. Dans les années ’60, Cioni Carpi, peintre et mime italien de Montréal, réalisa Point et contrepoint, essai dessiné directement sur la pellicule qui n’est pas sans évoquer McLaren, The Maya Bird, plus décoratif que plastique,

  1. Dans Images, vol. I, n°3, page 55.