Page:Daudelin - Vingt ans de cinéma au Canada français, 1967.pdf/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et son décor, l’homme et sa machine et s’interdisant d’autre part toute poétisation superflue de la réalité (de la « Neige ») — ce qu’a bien compris Jean-Claude Labrecque dans sa photographie tellement en accord avec le propos du film.

S’il est arrivé à imposer une vision de la réalité qui nous touche et qui vaille d’être retenue, c’est en mettant en scène cette réalité (et en accordant sa mise en scène à cette réalité) que Carle l’a fait. Et c’est en ces termes qu’il faut mesurer la véritable réussite de son film dans le contexte de la production québécoise. Léopold Z. n’a pas pour lui ce langage nécessaire et cette conscience brimée qui faisait toute la puissance du Chat dans le sac, mais il témoigne d’un point de vue sur les faits et d’une réelle sensibilité au chaos de notre petit quotidien.

Il est trop tôt pour dire ce que sera le cinéma de Gilles Carie, mais sa lucidité, son métier maintenant sûr, nous permettent de compter sur lui et de penser que l’image qu’il transmettra de nous sera à la mesure de notre réalité véritable.


RAYMOND GARCEAU


Raymond Garceau (né à Pointe-du-Lac en 1919) aura fait du cinéma pendant près de vingt ans avant que l’on s’aperçoive de l’existence et de la valeur de ses films. Mais ayant choisi de se consacrer presque exclusivement aux problèmes des ruraux et, n’ayant, comme il aime le dire ironiquement, ni « tête de pubère, ni lunettes noires, ni barbiche, ni pantalon de velours », il put travailler à plus de soixante-dix courts métrages sans la moindre célébrité. Pourtant il aurait fallu y regarder de plus près car le cinéma fonctionnel de Raymond Garceau a décidément quelque chose à dire. L’hommage que la Cinémathèque canadienne lui a rendu récemment a sans doute contribué à faire naître certains remords et rendre un peu justice a l’un des hommes les plus simplement originaux du cinéma canadien.