Page:Daudelin - Vingt ans de cinéma au Canada français, 1967.pdf/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette intimité avec la réalité qu’avait toujours affectionnée Groulx prenait ici un sens nouveau, une force nouvelle, du fait de l’argument dramatique et de la présence dans l’œuvre de structures plus arbitraires que celles du documentaire ou du film-enquête.

Le Chat dans le sac est l’histoire d’un couple, Claude et Barbara, mais ce couple, comme le contexte politique du film, est d’abord un temps de la vie du héros : le passage d’un Claude à un autre. Le Chat dans le sac n’est qu’un long dialogue entre Claude et Barbara, mais plus encore entre Claude et Claude et, à un degré moindre, entre Barbara et Barbara. Tout le film est construit dans cette optique, dans cette attente de la parole. Pas de morceau de bravoure, pas de coup d’éclat : la caméra écoute. Si nécessaire, le personnage, en voix-off, corrige ses propres propos, les explicite.

Par la maturité dont il témoigne et par sa rigueur formelle, Le Chat dans le sac pourrait bien être le véritable point de départ du cinéma canadien-français. Et si Groulx peut affirmer que « C’est vraiment le moment zéro du cinema québécois, maintenant »[1], nous pouvons également utiliser son film comme étalon-or de notre aventure cinématographique.

D’autre part, si avec son premier long métrage Gilles Groulx nous a enfin donné un cinéma d’hommes québécois, il a rejoint par la même occasion la famille des jeunes cinéastes qui, à travers le monde, réinventent actuellement le cinéma et lui redonnent une fonction dans le dialogue des hommes de la terre. Le Chat dans le sac était une expérience ouverte dont on n’a pas fini de mesurer l’importance dans l’évolution du cinéma d’ici.

Tourné avant Le Chat dans le sac, Un jeu si simple ne sortit publiquement, pour des raisons techniques, qu’à l’été de 1965. « Documentaire subjectif »[2] sur le hockey, le film fait alterner la couleur et le noir et blanc dans une peinture souvent dramatique des professionnels du sport canadien. Malgré certaines facilités de construction, Un jeu si simple est un film très

  1. Dans Cahiers du Cinéma, n° 168, page 57.
  2. L’expression est de Michèle Favreau, dans La Presse, le 13 août 1965.