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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

En effet, dès qu’en dehors de enseignement libre existe un enseignement subventionné par les villes, les départements et le budget, les contribuables, femmes ou hommes, y ont des droits égaux, puisque les filles les plus indigentes subventionnent, par l’impôt indirect et par l’octroi, ces écoles secondaires et supérieures ouvertes aux garçons riches seulement.

D’ailleurs, quand on parle de l’enseignement libre et laïc, on oublie peut-être trop qu’il est impossible de le généraliser et même, pour la plupart du temps, de le réaliser chez nous dans l’état de choses actuel. Les subventions budgétaires, départementales et communales, affectées à l’instruction secondaire et supérieure des garçons, forment un monopole écrasant contre lequel les congrégations religieuses sont seules à même de lutter. Ces deux forces rivales se réunissant contre nos écoles libres les neutralisent et les broient avec une puissance égale à celle de l’étau où l’ouvrier dompte la matière qu’il veut asservir. Des écoles professionnelles sur le modèle de celles de Paris ne pourraient donc réussir que dans quelques villes populeuses où les élèves affluent et où les ressources abondent. N’est-il pas plus simple de reconnaître que l’intérêt social et le droit individuel nous contraignent d’accorder la même initiative à tous et de laisser ensuite la nature et la concurrence, c’est-à-dire l’émulation, classer chacun d’après ses aptitudes dans l’école comme dans vie. Pourquoi les nombreuses écoles professionnelles de nos villes serait-elles plus longtemps fermées aux femmes ? Il est évident que si on les leur ouvrait, des talents, aujourd’hui inconnus d’eux-mêmes, naîtraient, se développeraient et fourniraient des candidats aux carrières libérales. Nos facultés de lettres seules créeraient certainement le contingent de professeurs qui manquent à l’enseignement secondaire et supérieur des femmes, monopolisé aussi jusqu’à présent au profit des professeurs hommes. Pour que cet enseignement libre se trouve dans des conditions semblables à celui des garçons, il faut donc qu’il y ait au préalable, en faveur des filles, un partage des bourses, du matériel et du personnel de nos cent