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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

nomie étroite, de débats d’intérêts et les réalités prosaïques de l’éducation des enfants ; comme si la société avec ses rivalités, ses vanités, et toutes les jalousies entre femmes, n’occasionnaient pas des émotions aussi vulgaires et prosaïques, chez celles qui y cèdent, que les émotions politiques peuvent le faire, et ne demandaient pas aux femmes d’un esprit franc et élevé autant d’empire sur elles-mêmes, de conscience et de sincérité d’intention pour maintenir intacte leur noblesse personnelle d’esprit et de cœur ! Mais ce que ces petites tracasseries et ces expériences restreintes ne peuvent jamais faire, c’est d’élargir l’esprit et de donner de l’étendue et de la solidité à toute la nature. Les femmes ont peu de calme dans le jugement, car elles ont à peine quelque notion de la loi ou de l’administration de la justice. Elles ont peu de sympathies étendues, parce qu’on leur a dit de borner leurs intérêts à leurs propres maisons ; elles ont le jugement peu juste, parce qu’elles connaissent rarement plus d’un côté d’une question ; ainsi l’on peut donner la liste de leurs défauts et des causes de ces défauts.

Il n’est pas possible non plus, de quelque manière respectueuse qu’on nomme l’incapacité politique des femmes, que cette incapacité ait d’autres résultats que de les faire regarder avec moins de respect. Avec qui partageons-nous cette incapacité ? Avec les criminels, avec les idiots, avec les fous et enfin avec les mineurs, c’est-à-dire avec les jeunes gens dont l’esprit n’est pas encore arrivé à sa maturité. Si quelques hommes d’une tournure d’esprit réfléchie ou sentimentale nous disent, dans le langage le plus modéré et le plus bienveillant, que c’est la supériorité réelle des femmes qui les exclut du suffrage ; que c’est leur noblesse et leur pureté qui les rendent impropres aux affaires publiques, le grand nombre ne pensera pas ainsi. Les frères, les fils, les patrons, les domestiques, les associés dans le commerce ou l’industrie, doués de ce gros bon sens qui appartient aux esprits ordinaires, sentiront toujours que si les femmes sont classées pour les intérêts politiques en compagnie des enfants, des criminels et des aliénés, ce doit être parce qu’il y a quelque ressemblance