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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME


OBJECTIONS


« Les femmes ne veulent pas du vote, et, l’eussent-elles obtenu, elles ne s’en serviront pas. » Nous avons toujours, comme on voit, à combattre le même esprit de généralisation hâtive ; il agit ici comme ce voyageur qui, au sortir d’un vaisseau, apercevant une femme rousse, s’empressa d’écrire sur son carnet : « Toutes les femmes de ce pays ont les cheveux rouges. » Pour éviter cette erreur de raisonnement, disons : Quelques femmes, certaines femmes, beaucoup de femmes, ne veulent pas du vote, » et nous conclurons quand même à affirmer le principe du droit, indépendamment de ses applications.

Il est probable que si toutes les femmes refusaient le droit de suffrage, je n’écrirais point ces lignes qui ont eu assez d’écho déjà pour que des réclamations de femmes mariées me soient parvenues, tout comme si j’étais à même de les mettre hors de tutelle. À cette occasion je leur dirai que ce n’est pas ma faute si leur déchéance ne leur permet pas même de déposer un franc à la caisse d’épargne ni de contracter le moindre engagement avec le Mont-de-Piété. C’est donc leur émancipation civile qu’il faut poursuivre et que nous poursuivrons tout d’abord.

Pour nous renfermer dans notre sujet, s’il était vrai qu’aucune veuve ou fille majeure ne désirât voter, on risquerait moins encore à les relever de leur interdiction, et si quelques-unes réclament le vote, il y a injustice à le leur refuser. Aux dernières élections régulières de Paris, moitié des électeurs à peine étaient inscrits et un tiers seulement d’entre eux votèrent. Faut-il pour cela conclure à la radiation de tous les électeurs ? N’oublions pas que le droit de suffrage, qui est une arme, est par là même une force latente et virtuelle, lors même qu’on n’en ferait aucun usage, et rappelons encore que nous ne revendiquons pas