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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

Beaucoup d’entre eux ont même dit, en propres termes, qu’ils n’auraient peut-être rien à objecter à cette concession. Un vote aux élections est maintenant, selon la plupart, une chose insignifiante qu’ils peuvent se décider à octroyer ; si les femmes le désirent, on peut aussi bien le leur accorder que le leur refuser ; mais ce qui choque ces hommes, ce qui les scandalise, c’est qu’on puisse revendiquer les droits des femmes dans la vie civile, et surtout dans le mariage. C’est d’un bon augure, et je commence à espérer que je vivrai assez pour voir toute la discussion transportée sur ce point. Ceux de nous qui revendiquent pour les femmes l’égalité complète de droits, ont toujours dit que c’est une question entièrement différente du suffrage. Il n’entraîne à une demande plus étendue aucune des femmes qui le revendiquent ; si elles étaient, par une inhérente et inévitable nécessité, soumises à l’autorité des hommes, elles auraient beaucoup plus grand besoin du vote. Tout ce qui, en justice ou en politique, conclut à accorder le suffrage à un homme, s’applique également aux femmes.

Mais, il y a un côté de la question sur lequel je désirerais dire quelques mots : la manière particulière dont l’immatriculation des femmes au corps électoral affectera probablement le caractère du Parlement, et modifiera l’exécution des affaires publiques.

Je crois que l’effet le plus marqué, dans un avenir prochain, sera de communiquer à la législation une détermination plus ferme de lutter contre les maux immenses et réels de la Société. Des femmes électeurs se persuaderaient, je pense, moins facilement que les hommes que ces maux, regardés comme incurables, doivent être acceptés et ne peuvent être amoindris, et que nous pouvons en détourner les yeux, avec une conscience calme, sauf à murmurer à l’occasion sur les frais qu’ils nous occasionnent en impôts, en contributions et en charité.

Des femmes, ce semble, trouveraient dur de croire que la législation et l’administration n’ont aucune influence sur ces maux effroyables, et que l’apogée de la sagesse des hommes d’État consiste à leur laisser libre car-