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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

mille, ni troublé en rien les relations ordinaires de la société. Quant à ses bienfaits, je ne puis m’empêcher de croire qu’il a créé un immense intérêt pour la prospérité de l’Église et un grand accroissement du zèle des femmes à recueillir des fonds pour ses besoins.

On a fait de cette inclination le motif d’une objection contre leurs franchises ; c’est ce qui a été traité d’une manière à laquelle je ne puis atteindre par le grand maître de science philosophique et politique, qui m’a précédé. Je demanderai seulement quel est l’enseignement de l’histoire à ce sujet. Les hommes ont-ils toujours été exempts des mêmes reproches ? Il n’y a pas longtemps que les intérêts des hommes étaient absorbés par deux sujets : la religion et la guerre ; un temps où toute intelligence se retirait dans le cloître et toute énergie sur le champ de bataille, où le devoir unique de l’homme pouvait se résumer dans le devoir de sauver son âme et de tuer son semblable. Qui a produit un changement ? Le développement des entreprises industrielles a limité l’étendue de la guerre et dompté l’esprit belliqueux ; le progrès de la science a tempéré l’animosité des luttes religieuses. Portez sur les femmes cette influence qui a été nécessaire pour perfectionner les hommes, et alors nous verrons une répartition salutaire de leur puissance dans toute l’étendue des connaissances humaines.

Par une coïncidence frappante, les arguments employés contre la capacité électorale des femmes sont précisément ceux dont on use dans l’Inde pour les empêcher d’apprendre à lire et à écrire. On dit dans l’Inde au parti libéral qu’il est monstrueux de proposer de leur enseigner la lecture et l’écriture ; que c’est contre nature et contraire à l’économie sociale ; que cela troublerait toutes les relations domestiques et porterait un coup mortel à cette supériorité masculine qui est la seule garantie de la paix du foyer ; que cela bouleverserait l’esprit des femmes, les bouffirait de connaissances vaines, leur ferait mépriser les occupations qui leur conviennent, et enfin que les femmes ne désirent pas l’éducation. Ce der-