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— Vous le serez, madame. Hélas ! je me souviens combien on a de plaisir à être belle et à se mirer dans les yeux qui vous admirent !




IX


Le soir, à huit heures, dans une petite chambre coquettement meublée, Marco Santi, dont nous avons déjà prononcé plusieurs fois le nom dans ce récit, achevait de mettre la dernière main à l’arrangement d’une table, sur laquelle des cristaux limpides et des porcelaines de grand prix enfermaient des vins de Chypre et de Syracuse, et le plus miraculeux souper qui se pût voir. Marco Santi était un homme de soixante ans à peu près, encore vert et d’une vigueur musculaire peu commune. Ses yeux, d’un bleu fauve, lançaient des flammes sous ses sourcils grisonnants ; son nez, en bec d’aigle, et ses lèvres minces annonçaient une nature et un caractère à la fois fort et rusé. Il exerçait plusieurs de ces professions problématiques, à l’aide desquelles beaucoup vivaient à Venise en ce temps-là. Moitié sbire, moitié agent secret des Dix, moitié messager d’amour et complaisant des belles patriciennes, il était encore, lorsque l’occasion s’en présentait, le brave le plus adroit et le plus con-