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SAINTE-HÉLÈNE.

bable que ses œufs ont été apportés en même temps qu’une des nombreuses plantes qu’on a introduites dans l’île. M. Cuming a trouvé sur la côte seize espèces de coquillages marins, dont sept, pense-t-il, sont particulières à cette île. Les oiseaux et les insectes[1] sont naturellement en fort petit nombre ; je crois même que tous les oiseaux ont été introduits récemment. On trouve une assez grande quantité de perdrix et de faisans ; l’île est bien trop anglaise pour que les lois sur la chasse n’y aient pas été appliquées dans toute leur rigueur. On m’a dit même qu’on avait fait à ces lois un sacrifice plus grand qu’aucun de ceux qu’on ait faits en Angleterre. Les pauvres gens avaient autrefois l’habitude de brûler une plante qui pousse sur le bord de la mer ; ils emportaient la soude qu’ils

  1. Parmi ces quelques insectes, j’ai été fort surpris de trouver un petit Aphodius (nov. spec.) et un Oryctes, qui se trouvent en nombre considérable sous la bouse. Quand on a découvert l’île, il ne s’y trouvait certainement aucun quadrupède, excepté peut-être une souris ; il est donc fort difficile de savoir si ces insectes ont été depuis importés par accident, ou, s’ils sont indigènes, de quoi ils se nourrissaient anciennement. Sur les bords de la Plata, où, en raison du grand nombre des bestiaux et des chevaux, les belles plaines de gazon sont couvertes d’engrais, on cherche en vain les nombreuses espèces d’insectes se nourrissant d’excréments qui se trouvent si abondamment en Europe. Je n’ai observé qu’un Oryctes (les insectes de ce genre, en Europe, se nourrissent ordinairement de matières végétales en décomposition) et deux espèces de Phanœus. Sur le côté opposé de la Cordillère, à Chiloé, on trouve en grande quantité une autre espèce de Phanœus qui recouvre de terre les excréments des bestiaux. Il y a raison de croire que ce genre de Phanœus, avant l’introduction des bestiaux, se nourrissait des excréments de l’homme. En Europe, les insectes qui se nourrissent des matières qui ont déjà contribué à soutenir la vie d’autres animaux plus grands sont en si grand nombre, qu’il y a certainement plus de cent espèces différentes. Cette considération, le fait qu’une si grande quantité d’alimentation de cette sorte se perd sur les plaines de la Plata, m’ont fait penser que l’homme avait brisé là cette chaîne qui relie tant d’animaux les uns aux autres dans leur pays natal. Cependant, à la Terre de Van-Diémen, j’ai trouvé dans la bouse des vaches un grand nombre d’individus appartenant à quatre espèces d’Onthophagus, deux espèces d’Aphodius et une espèce d’un troisième genre ; cependant les vaches n’ont été introduites dans ce pays que depuis trente-trois ans. Avant cette époque, le kangourou et quelques autres petits animaux étaient les seuls quadrupèdes de l’île ; or la qualité des excréments de ces animaux est toute différente de la qualité des excréments des animaux introduits par l’homme. En Angleterre, le plus grand nombre des insectes stercovores ont des appétits distincts, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire qu’ils ne se nourrissent pas indifféremment des excréments de tous les animaux. Par conséquent, le changement d’habitudes qui s’est produit à la Nouvelle-Zélande est très-remarquable. Le révérend F.-W. Hope, qui, je l’espère, voudra bien me permettre de l’appeler mon maître en entomologie, m’a donné le nom des insectes dont je viens de parler.