Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/511

Cette page a été validée par deux contributeurs.
495
CORAIL URTIQUANT.

porter des biscuits ; on avait assujetti le couvercle avec du fil de fer. Le crabe rabattit les bords de la boîte et s’échappa ; il avait percé le métal d’une quantité de petits trous.

J’ai été fort surpris de trouver deux espèces de corail du genre Millépore (Millepora complanata et alcicornis) qui ont la faculté d’urtiquer. Les branches pierreuses de ces espèces, quand on les sort de l’eau, sont dures au toucher, au lieu d’être onctueuses ; elles émettent une odeur forte et désagréable. La faculté d’urtiquer semble varier dans les différents spécimens ; quand on se frotte la peau du visage ou des bras avec un morceau de ce corail, on ressent ordinairement une espèce de sensation de brûlure qui se produit après l’intervalle d’une seconde et qui ne dure que quelques minutes. Un jour, cependant, en touchant simplement ma figure avec une de ces branches, je ressentis une douleur immédiate ; cette douleur augmenta comme à l’ordinaire après quelques secondes, continua assez vive pendant quelques minutes et était encore perceptible une demi-heure après. La douleur était aussi vive que celle que l’on ressent quand on a été piqué par une ortie, mais elle ressemble beaucoup plus à celle qui est produite par la brûlure de la Physalie ; sur la peau du bras apparurent de petits boutons rouges qui semblaient devoir se transformer en pustules, ce qui n’arriva pas. M. Quoy mentionne ces piqûres faites par les Millépores ; j’ai aussi entendu parler de coraux urticants aux Indes occidentales. Beaucoup d’animaux marins semblent posséder cette faculté de piquer ; outre la Physalie, plusieurs poissons gélatineux et l’Aplysia ou limace de mer des îles du Cap-Vert, on lit dans le Voyage de l’Astrolabe qu’une Actinie ou Anémone de mer, ainsi qu’un Zoophyte flexible, parent des Sertulaires, possèdent aussi cette arme offensive ou défensive. On trouve aussi, dit-on, dans la mer des Indes une Algue armée de la même façon.

Deux espèces de poissons du genre Scarus sont fort communs ici et se nourrissent exclusivement de corail ; tous deux sont d’un bleu verdâtre magnifique ; l’un habite invariablement le lagoon, l’autre les écueils de l’extérieur. M. Liesk m’affirme qu’il en a vu souvent des bandes entières brouter le sommet des branches de corail ; j’en ai ouvert plusieurs et j’ai trouvé leurs intestins distendus par une espèce de sable calcaire jaunâtre. Les Holothuries (parents de notre Étoile de mer), ces poissons visqueux et dégoûtants qu’aiment tant les gourmets chinois, se nourrissent aussi de Corail, si toutefois il faut en croire le docteur Allan : d’ailleurs