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NOUVELLE-ZÉLANDE.

Les amas de coquillages et les fossés dans lesquels, m’a-t-on dit, les indigènes avaient coutume de tenir des patates en réserve, prouvent que les pahs ont été autrefois fort souvent habités. Il n’y a pas d’eau sur ces collines, les défenseurs ne pouvaient donc résister à un long siège, mais ils pouvaient tenir devant une attaque soudaine et défendre successivement les différentes terrasses. L’introduction générale des armes à feu a changé tout le système de la guerre chez ces peuples, car le sommet d’une colline est actuellement une situation trop exposée ; aussi les pahs sont-ils aujourd’hui (1835) toujours construits dans les plaines. Ils consistent en une double estacade formée par des morceaux de bois fort épais et assez élevés, placés en zigzag, de sorte qu’on peut toujours prendre l’ennemi par derrière ou en flanc. À l’intérieur de l’estacade, on élève une colline artificielle derrière laquelle les défenseurs du fort peuvent s’abriter. Des petites portes fort basses sont ouvertes dans la palissade d’enceinte pour permettre aux défenseurs d’aller reconnaître leurs ennemis. Le révérend W. Williams, qui me donne ces détails, ajoute que dans l’un de ces pahs il avait remarqué des séparations. Il demanda au chef ce à quoi elles pouvaient servir ; celui-ci lui répondit que c’était pour séparer les hommes, afin que si quelques-uns d’entre eux sont tués, les voisins ne les voient pas et par conséquent ne se découragent pas.

Les Nouveaux-Zélandais considèrent ces pahs comme un moyen de défense excellent ; leurs ennemis, en effet, ne sont jamais assez disciplinés pour se précipiter en troupe sur la palissade, l’abattre et entrer. Quand une tribu fait la guerre, le chef ne peut ordonner à un homme d’aller ici ou là, chaque homme combat de la manière qui lui convient le mieux ; or chaque individu doit considérer que s’approcher d’une palissade défendue par des hommes portant des armes à feu, c’est s’exposer à une mort certaine. Je ne crois cependant pas qu’on puisse trouver race plus guerrière que les Nouveaux-Zélandais. Leur conduite, alors qu’ils virent un vaisseau pour la première fois, ainsi que le raconte le capitaine Cook, en est un excellent exemple : il fallait une hardiesse extraordinaire pour jeter des pierres à un objet si grand et si nouveau et pour crier : « Venez à terre, nous vous tuerons et nous vous mangerons tous. » La plupart de leurs coutumes, leurs actes même les plus insignifiants prouvent cet esprit guerrier. Si un Nouveau-Zélandais reçoit un coup, même en plaisantant, il faut qu’il le rende ; j’en ai vu plusieurs exemples.