Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/405

Cette page a été validée par deux contributeurs.
389
IQUIQUE.

ment, et cela au prix de 100 francs, deux mules et un guide pour me conduire à l’endroit où on exploite l’azotate de soude. Cette exploitation fait la fortune d’Iquique. On commença à exporter ce sel en 1830 ; en un an on en envoya en France et en Angleterre pour une somme de 100 000 livres sterling (2 500 000 francs). On l’emploie principalement comme engrais ; il sert aussi à la fabrication de l’acide azotique ; il est très-déliquescent, aussi ne peut-il pas servir à la fabrication de la poudre à canon. Il y avait anciennement dans le voisinage deux mines d’argent extrêmement riches ; mais actuellement elles ne produisent presque plus rien.

Notre arrivée dans le port n’est pas sans causer quelque appréhension. Le Pérou était alors plongé dans l’anarchie ; chacun des partis qui se disputaient le pouvoir avait imposé une contribution à la ville, et, en nous voyant arriver, on crut que nous venions réclamer de l’argent. Les habitants avaient aussi leurs peines domestiques ; quelque temps auparavant, trois charpentiers français s’étaient introduits pendant la même nuit dans les deux églises et avaient volé tous les vases sacrés ; cependant un des voleurs finit par avouer son crime, et on put recouvrer les objets volés. On envoya les voleurs à Arequipa, capitale de la province, mais située à 200 lieues de distance ; les autorités de la capitale pensèrent qu’il était déplorable de mettre en prison des ouvriers aussi utiles, qui savaient faire toutes sortes de meubles ; on les laissa donc en liberté. On sut bientôt ce qui s’était passé, aussi ne manqua-t-on pas de voler de nouveau les églises ; mais cette fois on ne parvint pas à retrouver les vases sacrés. Les habitants, furieux, déclarèrent que des hérétiques seuls avaient pu ainsi voler le Dieu tout-puissant ; ils s’emparèrent donc de quelques Anglais pour les torturer, avec l’intention de les tuer ensuite. Les autorités durent intervenir, et la paix fut rétablie.

13 juillet. — Je pars dans la matinée pour aller visiter l’exploitation de salpêtre située à une distance de 14 lieues. On commence par faire l’ascension des montagnes de la côte en suivant un sentier sablonneux qui fait de nombreux détours ; on aperçoit bientôt dans le lointain Guantajaya et Saint-Rosa. Ces deux petits villages sont situés à l’entrée même des mines ; perchés qu’ils sont sur le sommet d’une colline, ils offrent un aspect encore moins naturel et plus désolé que la ville d’Iquique. Nous n’arrivons aux mines qu’après le coucher du soleil ; nous avons voyagé toute la journée