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EL BRAMADOR.

d’un homme mal protégé par un habillement insuffisant est proportionnel à la rapidité du courant d’air froid. Cette tempête dura plus d’une journée entière, les hommes perdaient rapidement leurs forces et les mules ne voulaient plus avancer. Le frère de mon guide essaya de retourner en arrière ; mais il périt, et deux jours après on trouva son corps sur le bord de la route auprès du cadavre de sa mule ; il avait encore la bride en main. Deux autres hommes de la caravane eurent les mains et les pieds gelés ; sur deux cents mules et trente vaches, on ne put sauver que quatorze mules. Il y a bien des années, une caravane entière périt, suppose-t-on, de la même manière ; mais jusqu’à présent, on n’a pas retrouvé les cadavres. Un ciel sans nuages, une température extrêmement basse, une effroyable tempête de vent doivent être, je crois, une combinaison de circonstances extrêmement rare dans toutes les parties du monde.

29 juin. — Nous redescendons avec plaisir la vallée pour aller retrouver notre bivouac de la nuit précédente ; puis nous gagnons l’Agua amarga. Le 1er juillet, nous atteignons la vallée de Copiapó. Le parfum des foins et des trèfles me semble délicieux après l’atmosphère si sèche du Despoblado. Pendant mon séjour dans la ville, plusieurs habitants me parlent d’une colline du voisinage qu’ils appellent El Bramador — la colline qui mugit. À cette époque, je fis peu attention à ce qu’on me raconta ; mais, autant que j’ai pu le comprendre, la colline en question était recouverte de sable et le bruit ne se produisait que lorsque, en montant sur la colline, on mettait le sable en mouvement. Seetzen et Ehrenberg[1] attribuent aux mêmes circonstances les bruits que beaucoup de voyageurs ont entendus sur le mont Sinaï, auprès de la mer Rouge. J’ai eu occasion de causer avec une personne qui avait entendu ce bruit ; elle me dit qu’on restait tout surpris et qu’il était impossible de savoir d’où il provenait, bien qu’elle m’affirmât en même temps qu’il fallait mettre le sable en mouvement pour le provoquer. Quand un cheval marche sur du sable sec et grossier, on entend un bruit tout particulier causé par la friction des particules du sable ; c’est une circonstance que j’ai remarquée plusieurs fois sur les côtes du Brésil.

  1. Edinhurg Phil. Journ., janvier 1830, p. 74 ; et avril 1830, p. 258. — Voir aussi Daubeny, On Volcanoes, p. 438, et Bengal Journ., vol. VII, p. 324.