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RAVIN DE PAYPOTE.

cette plaine est aujourd’hui absolument stérile. Tout auprès se voit le cours desséché d’un fleuve considérable, dont les eaux servaient autrefois à l’irrigation de la plaine. À en juger par le lit du fleuve on pourrait croire qu’il n’a cessé de couler que tout récemment ; dans quelques endroits on voit des couches de sable et de gravier, dans d’autres, le courant s’est creusé dans le rocher un large canal qui, en une certaine place, a environ 40 mètres de largeur et 8 pieds de profondeur. Il est évident qu’en se dirigeant vers la source d’un fleuve, on doit toujours monter plus ou moins ; M. Gill fut donc fort étonné de s’apercevoir qu’il descendait en remontant le lit de cette ancienne rivière ; autant qu’il put en juger, la pente faisait, avec la perpendiculaire, un angle de 40 à 50 degrés. Nous avons donc ici la preuve absolue d’un soulèvement des couches situées au milieu du lit du fleuve. Dès que le lit de ce fleuve se trouva ainsi relevé, l’eau dut nécessairement retourner en arrière pour se frayer un nouveau passage. Dès lors aussi, la plaine voisine, ayant perdu le fleuve qui causait sa fertilité, a été transformée en un véritable désert.

27 juin. — Nous partons de bonne heure ; à midi nous arrivons au ravin de Paypote, où se trouve un petit ruisseau ; sur les bords, quelque végétation et même quelques algarrobas, arbres qui appartiennent à la famille des Mimosées. Le voisinage du bois avait fait construire ici un haut fourneau ; nous y trouvons un homme qui le garde, mais dont la seule occupation consiste aujourd’hui à chasser les guanacos. Il gèle assez fort pendant la nuit ; mais, comme nous avons beaucoup de bois pour entretenir notre feu, nous ne souffrons pas trop du froid.

28 juin. — Nous continuons à monter, et la vallée se change en ravin. Pendant la journée, nous voyons plusieurs guanacos ; nous remarquons aussi les traces de la Vigogne, espèce qui lui est proche parente. La Vigogne a des habitudes absolument alpestres ; elle descend rarement au-dessous de la limite des neiges perpétuelles ; elle fréquente donc des endroits encore plus élevés et plus stériles que ceux qu’habite le guanaco. Un petit renard est le seul autre animal que nous ayons aperçu en assez grand nombre ; je suppose que cet animal se nourrit de souris et d’autres petits rongeurs qui vivent en quantité considérable dans les endroits déserts dès qu’il y a la moindre végétation. Ces petits animaux se trouvent en grand nombre en Patagonie, même sur les bords des salines,