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RIO DE JANEIRO.

en songeant à ce que ces chevaux peuvent supporter de fatigues ; ils me paraissent aussi se remettre de leurs blessures plus rapidement que ne le font les chevaux d’origine anglaise. Les vampires leur causent souvent de grandes souffrances en les mordant au garrot, non pas tant à cause de la perte de sang qui résulte de la morsure, qu’à cause de l’inflammation que produit ensuite le frottement de la selle. Je sais qu’en Angleterre on a dernièrement mis en doute la véracité de ce fait ; il est donc fort heureux que j’aie été présent un jour qu’on attrapa un de ces vampires (Desmodus d’Orbignyi, Wat.) sur le dos même d’un cheval. Nous bivouaquions fort tard, un soir, auprès de Coquimbo, dans le Chili, quand mon domestique, remarquant que l’un de nos chevaux était fort agité, alla voir ce qui se passait ; croyant distinguer quelque chose sur le dos du cheval, il y porta vivement la main et saisit un vampire. Le lendemain matin, l’enflure et les caillots de sang permettaient de voir où le cheval avait été mordu ; trois jours après, nous nous servions du cheval, qui ne paraissait plus se ressentir de la morsure.

13 avril. — Après trois jours de voyage, nous arrivons à Socêgo, propriété du senhôr Manuel Figuireda, parent de l’un de nos compagnons de route. La maison, fort simple et ressemblant à une grange, convient admirablement au climat. Dans le salon, des fauteuils dorés et des sofas contrastent singulièrement avec les murs blanchis à la chaux, le toit en chaume et les fenêtres dépourvues de vitres. La maison d’habitation, les greniers, les écuries et les ateliers pour les nègres, à qui on a appris différents états, forment une sorte de place quadrangulaire au milieu de laquelle sèche une immense pile de café. Ces différentes constructions se trouvent au sommet d’une petite colline dominant les champs cultivés, entourés de tous côtés par une épaisse forêt. Le café constitue le principal produit de cette partie du pays ; on suppose que chaque plant rapporte annuellement en moyenne 2 livres de grains (906 grammes), mais quelques uns en rapportent jusqu’à 8. On cultive aussi en grande quantité le manioc ou cassave. Chaque partie de cette plante trouve son emploi ; les chevaux mangent les feuilles et les tiges ; les racines sont moulues et converties en une sorte de pâte que l’on presse jusqu’à dessiccation, puis on la cuit au four et elle forme alors une espèce de farine qui constitue le principal aliment du Brésil. Fait curieux, mais bien connu, le jus que l’on extrait de cette plante si nutritive est un poison violent. Il y a quelques années, une vache de cette fazênda mourut pour en avoir bu. Le senhôr Figui-