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VALLÉE DE COPIAPO.

Nous avons traversé de nombreuses collines ; la vue était assez intéressante à cause de la couleur variée des montagnes que nous apercevions au loin. On regrette presque de voir le soleil briller constamment sur un pays aussi stérile ; un aussi admirable temps devrait toujours être accompagné de champs cultivés et de jolis jardins. Le lendemain, nous atteignons la vallée de Copiapó J’en suis fort heureux, car ce voyage a été pour moi une longue anxiété : rien de désagréable, pendant qu’on est à souper, connue d’entendre les chevaux ronger les poteaux auxquels on les a attachés et de n’avoir aucun moyen d’apaiser leur faim. Il n’y paraissait pas cependant, et les pauvres bêtes avaient encore toute leur vigueur ; personne certainement n’aurait pu dire, en les voyant, qu’ils n’avaient rien mangé depuis cinquante-cinq heures.

J’avais une lettre d’introduction pour M. Bingley, qui me reçut fort aimablement à son hacienda de Potrero Seco. Cette propriété a 20 ou 30 milles de longueur ; mais elle est fort étroite, car elle ne consiste qu’en un champ de chaque côté de la rivière. Quelquefois aussi, les terrains qui bordent la rivière sont disposés de telle façon qu’on ne peut pas les irriguer, auquel cas ils n’ont aucune valeur, car ils sont absolument stériles. La petite quantité des terres cultivées dans toute la vallée ne provient pas tant des inégalités de niveau et par conséquent de la difficulté des irrigations que de la petite quantité d’eau. Cette année la rivière est très-pleine ; à l’endroit où nous nous trouvons, dans la partie supérieure de la vallée, l’eau atteint le ventre d’un cheval et la rivière a environ 15 mètres de largeur ; le courant, en outre, est rapide. Mais à mesure que l’on descend la vallée, le volume d’eau devient de plus en plus petit, et la rivière finit par se perdre ; pendant une période de trente ans, cette rivière n’a pas versé une seule goutte d’eau dans la mer. Les habitants s’inquiètent par-dessus tout du temps qu’il fait dans la Cordillère, car une chute abondante de neige sur les montagnes leur assure de l’eau pour l’année suivante. Cela a infiniment plus d’importance pour eux que la pluie. Quand il pleut, ce qui arrive une fois tous les deux ou trois ans, c’est un grand avantage, sans doute, parce que les bestiaux et les mules trouvent ensuite quelques pâturages ; mais, s’il ne tombe pas de neige dans les Andes, la désolation règne dans toute la vallée. Par trois fois, presque tous les habitants ont été obligés d’émigrer vers le sud. Cette année, il y a eu beaucoup d’eau et chacun a pu irriguer son terrain autant qu’il a voulu ; mais on a souvent été obligé