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VALLÉE de GUASCO.

sible de nous en procurer pour nos chevaux. Nous rencontrons, à Sauce, un vieux monsieur fort poli et fort aimable, qui dirige une fonderie de cuivre. Grâce à son obligeance, je peux me procurer, à un prix fabuleux, quelques poignées de vieille paille ; c’est là tout ce que nos pauvres chevaux ont à manger après leur longue journée de voyage. On trouve actuellement peu de fonderies au Chili ; il est plus profitable, en raison de la grande rareté du combustible, d’expédier les minerais à Swansea. Le lendemain, après avoir traversé quelques montagnes, nous arrivons à Freyrina, dans la vallée de Guasco. À mesure que nous avançons vers le nord, la végétation devient de plus en plus pauvre ; les grands cactus en forme de cierge ont même disparu pour faire place à une espèce beaucoup plus petite. Dans le Chili septentrional et au Pérou, une immense bande de nuages immobiles et peu élevés couvre le Pacifique pendant les mois d’hiver. Du haut des montagnes, ces champs aériens, d’un blanc brillant, qui s’étendent jusque dans les vallées, offrent un magnifique coup d’œil. On voit surgir de ces nuages des îles et des promontoires qui ressemblent, à s’y méprendre, aux îles et aux promontoires de la Terre de Feu ou de l’archipel des Chonos.

Nous passons deux jours à Freyrina. Il y a quatre petites villes dans la vallée de Guasco. À l’entrée de la vallée se trouve le port, lieu absolument désert, sans eau douce dans le voisinage immédiat. Cinq lieues plus haut, Freyrina, grand village dont les maisons, blanchies à la chaux, sont éparpillées de toutes parts. Dix lieues plus haut encore, dans la vallée, Ballenar ; et enfin Guasco Alto, village renommé pour ses fruits secs. Par un beau jour, cette vallée offre un admirable coup d’œil : au fond, la Cordillère neigeuse ; de chaque côté, une infinité de vallées transversales qui finissent par se confondre dans un flou admirable ; au premier plan, de singulières terrasses s’élevant les unes au-dessus des autres comme les degrés d’un gigantesque escalier ; mais, par-dessus tout, le contraste que forme cette vallée verdoyante, ornée de nombreux bosquets de saules, avec les collines stériles qui la bordent de chaque côté. Il est facile de comprendre que le pays environnant soit stérile, car il n’est pas tombé une seule goutte d’eau depuis treize mois. Les habitants apprennent avec envie qu’il a plu à Coquimbo ; ils interrogent consciencieusement l’état du ciel, et ils ont quelque espoir d’une semblable bonne fortune ; cet espoir se réalisa quinze jours plus tard. Je me trouvais alors à