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RIO DE JANEIRO.

manière : on plante des pieux entre lesquels on entrelace des branches d’arbres, puis on recouvre le tout d’une couche de plâtre. Il est rare qu’on y trouve des planchers, mais jamais de vitres aux croisées ; le toit est ordinairement en bon état. La façade, laissée ouverte, forme une espèce de verandah où on place des bancs et des tables. Les chambres à coucher communiquent toutes les unes avec les autres, et le voyageur dort, comme il peut, sur une plate-forme en bois recouverte d’un mince paillasson. La vênda se trouve toujours au milieu d’une grande cour où l’on attache les chevaux. Notre premier soin en arrivant est de débarrasser nos chevaux de leur bride et de leur selle et de leur donner leur provende. Cela fait, nous nous approchons du senhôr et, le saluant profondément, nous lui demandons d’être assez bon pour nous donner quelque chose à manger. « Tout ce que vous voudrez, monsieur, » répond-il ordinairement. Les quelques premières fois, je m’empressais de remercier intérieurement la Providence qui nous avait conduits auprès d’un homme aussi aimable. Mais, à mesure que la conversation continuait, les choses prenaient une tournure bien moins satisfaisante. « Pourriez-vous nous donner du poisson ? — Oh ! non, monsieur. — De la soupe ? — Non, monsieur. — Du pain ? — Oh ! non, monsieur. — De la viande séchée ? — Oh ! non, monsieur. »

Nous devions nous estimer fort heureux si, après avoir attendu deux heures, nous parvenions à obtenir de la volaille, du riz et de la farinha. Il nous fallait même souvent tuer à coups de pierre les poules qui devaient servir à notre souper. Alors que, absolument épuisés par la faim et par la fatigue, nous nous hasardions à dire timidement que nous serions fort heureux si le repas était prêt, l’hôte nous répondait orgueilleusement, et malheureusement c’est ce qu’il y avait de plus vrai dans ses réponses : « Le repas sera prêt quand il sera prêt, » Si nous avions osé nous plaindre, ou même insister, on nous aurait dit que nous étions des impertinents et on nous aurait priés de continuer notre chemin. Les aubergistes sont fort peu gracieux, souvent même fort grossiers ; leurs maisons et leurs personnes sont la plupart du temps horriblement sales ; on ne trouve dans leurs auberges ni couteaux, ni fourchettes, ni cuillers, et je suis convaincu qu’il serait difficile de trouver en Angleterre un cottage, si pauvre qu’il soit, aussi dépourvu des choses les plus nécessaires à la vie. À un endroit, à Campos-Novos, nous fûmes magnifiquement traités ; on nous donna à dîner du riz et de la