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MINEURS CHILIENS.

parties de cette côte. Une ondée au nord de Capiapó produit autant d’effet sur la végétation que deux ondées à Guasco et que trois ou quatre dans le district que nous traversons. Un hiver assez sec pour endommager considérablement les pâturages de Valparaiso, produirait à Guasco l’abondance la plus extraordinaire. La quantité de pluie ne semble d’ailleurs pas diminuer strictement, en proportion de la latitude, à mesure que l’on avance vers le nord. À Conchalee, situé seulement à 67 milles au nord de Valparaiso, on n’attend guère les pluies que vers la fin de mai, alors qu’à Valparaiso il pleut ordinairement au commencement d’avril. La quantité annuelle est d’autant plus petite que les pluies commencent plus tardivement.

4 mai. — La route de la côte n’offrant aucun intérêt, nous nous dirigeons dans l’intérieur des terres, vers la vallée et la région minière d’Illapel. Cette vallée, comme toutes celles du Chili, est plate, large et très-fertile ; elle est bordée de chaque côté, soit par des dunes de débris stratifiés, soit par des montagnes rocheuses. Au-dessous de la ligne du premier fossé d’irrigation, tout est brun et sec comme sur une grande route ; au-dessus tout est d’un vert aussi brillant que le vert de gris, à cause des champs entiers d’alfarfa, une espèce de trèfle. Nous nous rendons à Los-Hornos, autre district minier, où la colline principale est percée d’autant de trous qu’un nid de fourmis. Les mineurs chiliens ont des habitudes toutes particulières. Vivant pendant des semaines entières dans les endroits les plus sauvages, il n’y a pas d’excès ou d’extravagances qu’ils ne commettent quand ils descendent dans les villages aux jours de fête. Ils ont souvent gagné une somme considérable et alors, comme le font les marins avec leur part de prise, ils semblent s’ingénier à la gaspiller. Ils boivent à l’excès, achètent des quantités de vêtements et, au bout de quelques jours, reviennent sans un sou dans leurs misérables huttes, pour y travailler plus rudement que des bêtes de somme. Cette insouciance, aussi considérable que celle des marins, provient évidemment d’un genre de vie à peu près analogue. On leur fournit leurs aliments de chaque jour, aussi n’ont-ils aucune prévoyance ; en outre, on place en même temps en leur pouvoir et la tentation et les moyens d’y céder. Au contraire, dans la Cornouailles et dans quelques autres parties de l’Angleterre, où l’on a adopté le système de leur vendre une partie de la veine, les mineurs, obligés d’agir et de réfléchir, sont des hommes fort intelligents et dont la conduite est excellente.