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PASSE D’USPALLATA.

perpétuelles, bien que j’en aie vu de chaque côté. Au sommet le vent est extrêmement froid ; cependant il est impossible de ne pas s’arrêter pendant quelques minutes pour admirer la couleur du ciel et la pureté de l’atmosphère. La vue est admirable : à l’ouest on domine un magnifique chaos de montagnes séparées par de profonds ravins. Il tombe ordinairement de la neige avant cette époque de l’année, quelquefois même la route est impraticable dans cette saison, mais nous avons beaucoup de bonheur ; nuit et jour, pas un seul nuage dans le ciel, sauf toutefois quelques petites masses de vapeurs qui entourent les pics les plus élevés. J’ai souvent remarqué, dans le ciel, ces petits îlots qui indiquent la position de la Cordillère, alors que la distance est si grande, que les montagnes elles-mêmes sont cachées sous l’horizon.

6 avril. — Nous nous apercevons à notre réveil qu’un voleur a entraîné une de nos mules et pris la clochette de la madrina. Nous ne faisons donc que deux ou trois milles dans la vallée et y passons un jour entier dans l’espoir de retrouver notre mule, que l’on a dû, selon l’arriero, cacher dans quelque ravin. Le paysage a repris son aspect chilien ; il est certainement plus agréable de voir la base des montagnes ornée du quillay, arbre à feuilles vert-pâle persistantes, et du grand cactus en forme de cierge, que de se trouver dans les vallées désolées du versant oriental ; je ne partage cependant pas l’admiration de bien des voyageurs. Ce qui plaît par-dessus tout, je pense, c’est l’espoir d’un bon feu et d’un bon souper, après le froid que l’on vient de ressentir en traversant la montagne ; je partage absolument cette manière de voir.

8 avril. — Nous quittons la vallée d’Aconcagua, par laquelle nous sommes descendus, et dans la soirée nous arrivons à un cottage près de la villa de Saint-Rosa. Quelle admirable fertilité dans cette plaine ! L’automne s’avance, et presque tous les arbres fruitiers se dépouillent de leurs feuilles. Les paysans s’occupent à faire sécher les pêches et les figues sur le toit de leurs cottages ; d’autres font la vendange. Tout cela forme une fort jolie scène ; mais il y manque cette tranquillité qui, en Angleterre, fait réellement de l’automne le soir de l’année.

Le 10, nous arrivons à Santiago, où M. Caldcleugh me reçoit avec son affabilité ordinaire. Mon excursion a duré vingt-quatre jours, et je ne me rappelle pas espace de temps semblable qui m’ait laissé de meilleurs souvenirs. Quelques jours après, je retourne chez M. Corfield, à Valparaiso.