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LIGNE DE VIBRATION.

La cathédrale offrait un excellent exemple de la résistance différente présentée par les murs, selon qu’ils sont construits dans telle ou telle direction. Le côté tourné vers le nord-est ne présentait qu’un immense amas de ruines au milieu desquelles on voyait des portes et des poutres qui avaient l’air de flotter sur un océan en fureur. Quelques blocs de maçonnerie ayant d’immenses dimensions avaient roulé fort loin sur la place, comme des fragments de rochers au pied d’une haute montagne. Les murs de côté, s’étendant dans la direction du sud-ouest et du nord-est, bien que considérablement endommagés, étaient restés debout ; mais d’immenses contre-forts, bâtis à angle droit avec ces murs, et par conséquent parallèles à ceux qui s’étaient écroulés, avaient été renversés après avoir été coupés aussi net qu’ils auraient pu l’être avec un ciseau. Le choc avait, en outre, donné une position diagonale à quelques ornements carrés placés sur quelques-uns de ces murs. On a observé des phénomènes analogues après des tremblements de terre à Valparaiso, en Calabre, et dans quelques autres endroits, et même sur des temples grecs fort anciens[1]. Ces déplacements semblent tout d’abord indiquer un mouvement de vortex sur les points ainsi affectés ; mais cette explication est fort peu probable. Ne pourrait-on pas les attribuer à la tendance qu’aurait chaque pierre à se placer dans une certaine position relativement aux lignes de vibration, tout comme des épingles se placent dans certaines positions sur une feuille de papier que l’on agite ? En règle générale, les portes ou les croisées voûtées résistent mieux que toute autre espèce de construction. Néanmoins un pauvre vieillard boiteux, qui avait l’habitude de se traîner sous une porte voûtée chaque fois qu’un petit choc se produisait, fut cette fois écrasé sous les ruines.

Je n’essayerai pas de faire la description de l’aspect que présentait Concepcion, car je sens qu’il me serait impossible d’exprimer ce que je ressentis en voyant cette masse de ruines. Quelques officiers avaient visité cette ville avant moi et tout ce qu’ils avaient pu me dire ne m’avait en rien préparé à ce que je vis. Il y a quelque chose de navrant et d’humiliant tout à la fois à voir des ouvrages qui ont coûté tant de travail et de temps à l’homme, renversés ainsi en une minute ; cependant on n’éprouve presque pas de

  1. M. Arago, l’institut, 1839, p. 337. Voir aussi Miers, Chile, vol. I, p. 392, et Lyell, Principles of Geology, chap. xv, liv. II.